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Civil War: l'Empire de l'image

Kévin Giraud

Les balles pleuvent, les aboiements des fusils d’assauts couvrent aisément les cris de détresse et les conseils désespérés des miliciens. Et puis, le clac de l’obturateur, et tout n’est plus que silence, le temps d’un instant figé. Jesse recharge son appareil, tiraillée entre son envie irrépressible d’en voir plus, et son instinct de survie qui lui dicte la fuite, loin, très loin de cette terrifiante inhumanité.

Si Civil War a peut-être, via ses bandes-annonces et ses taglines ronflantes, été vendu comme une fresque guerrière et épique pré (ou post)-apocalyptique, le nouveau long-métrage d’Alex Garland (Ex Machina, Men) se rapproche plus du road trip psychologique et introspectif dans un environnement hostile. À la manière de Annihilation, autre film marquant du cinéaste, Civil War nous emmène dans une quête de sens au gré des pérégrinations de ses protagonistes. Quittant New York avec pour objectif d’aller interviewer - une dernière fois - le président des États-Unis (Nick Offerman) dans son fief de Washington D.C., Ellie, photographe de guerre (Kirsten Dunst) et Joel, reporter (Wagner Moura) embarquent ainsi avec Sammy, vieil ami et collègue du duo, dans une expédition à laquelle se joint la jeune Jesse, photographe en devenir pétrie d’ambition et de fougue.

Nous plongeant au cœur des États désunis d'une Amérique déchirée en factions guerrières, le film délaisse néanmoins les questions géopolitiques derrière le conflit pour se concentrer sur son duo de femmes, et leurs compagnons de fortune. Au gré de leur voyage, Ellie et Jesse capturent les blessures béantes d’une société américaine beaucoup trop familière où il n’a, semble-t-il, fallu pousser que très peu les curseurs pour que le dérapage s’enclenche. Aussi aguerrie que désabusée, Ellie traite d’ailleurs ces rencontres avec la même attitude qu’elle l’a toujours fait : “We shoot, so they can ask”. Ce n’est pas à elle de poser les questions, elle n’est là que pour l’image, pour capter la banalité du mal, la facilité avec laquelle celui-ci se propage chez l’humain et gangrène ses actes.

Capter, partager, transmettre sans décrypter pour nous laisser les clés des images et de notre propre (in)humanité, c’est ce qui semble également être la démarche du réalisateur, adoptant une posture presque documentaire à des lieux du sensationnalisme et des musiques grandioses. La guerre selon Alex Garland n’a rien de glamour, rien de valeureux, rien de beau en soi. Et pourtant, ses personnages captent, envers et contre tout. Et pourtant, nous regardons, rivés à nos sièges. Qu’est-ce qui captive dans ces images, qu’est-ce qui nous absorbe tant dans cette violence, tantôt sourde et tantôt vociférante? Ne sommes-nous pas toutes et tous aussi coupables d'être toujours dans la salle, avalés par ces images construites qui en rappellent bien d’autres ? On se justifie : tout ça n’est pas vrai après tout, tout ça n’est que fiction et tout ça n’a pas lieu chez nous. Jusqu’à ce que.

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Civil War

'Civil War' est un film d'action spectaculaire sur une guerre civile qui a éclaté aux États-Unis. Le pays tout entier est au bord de l'effondrement et dans un chaos total.

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