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All of Us Strangers: La peine des morts

Julien Del Percio

Dès les premières secondes, un étrange spleen nous enveloppe, un sentiment de tristesse évident dont on ne connaît pas la cause mais qui résonne avec intensité. Qui est donc ce personnage mystérieux que l’on aperçoit dans le reflet d’une vitre, tandis qu’il contemple l’aurore avec la candeur d’un enfant ?

Avec son introduction, All of us strangers trace les contours d’une mélancolie délicate, hors du temps, comme une piscine de coton dans laquelle on s’enfouit avec douceur, au risque de s’y noyer. Adam (Andrew Scott) est un scénariste solitaire et réservé qui habite un immeuble quasi désert de Londres. Dans une soirée lugubre, Harry (Paul Mescal) frappe à sa porte, en quête de compagnie. Tandis qu’une romance passionnée naît entre les deux hommes, Adam développe un étrange don : il peut rendre visite à ses parents, pourtant morts il y a trente ans dans un accident de voiture…À moins que ce ne soit son imagination ?

Après 45 Ans et Lean on Pete, le cinéaste britannique Andrew Haigh revient aux romances gays qui l’ont propulsé sur le devant de la scène. Le réalisateur s’était distingué pour son travail sur Looking et Weekend, deux œuvres brillantes et merveilleusement écrites, qui s’intéressaient avec une rare pertinence au quotidien de trentenaires homosexuels. All of us strangers poursuit ce sillage thématique, que ce soit à travers le filmage explicite et sensuel des scènes de sexe, que dans ses motifs narratifs, tels que l'isolement et la peur de s’engager. À une nouvelle donnée près : le fantastique.

Là où Weekend explorait le vécu homosexuel à travers de longs dialogues d’une justesse imparable, All of us strangers puise dans le surnaturel pour concrétiser ces questionnements à travers une approche onirique et réflexive. Ainsi, pour Adam, retrouver ses parents est l’occasion de se libérer des occasions manquées: ce coming-out qu’il n’a pas pu faire, cette tendresse du père qu’il a toujours quémandé, ces vérités qui restaient dans la pénombre. Ce télescopage constant entre deux époques - les parents étant en quelque sorte toujours coincés dans les années 80 - permet à Haigh de faire l’état des lieux du traitement de l'homosexualité dans nos sociétés, soulignant le fossé entre les deux périodes tout en analysant l’impact de cette évolution sur ses personnages. En remontant le fleuve des souvenirs jusqu’à sa source, All of us strangers nous murmure qu’Adam, et par extension, la communauté LGBTQIA+, s’est invariablement édifié sur des cicatrices, quand bien même les choses auraient changé depuis.

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All Of Us Strangers

A Londres, Adam vit dans une tour où la plupart des appartements sont inoccupés. Une nuit, la monotonie de son quotidien est interrompue par sa rencontre avec un mystérieux voisin, Harry.

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