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Maldoror: En quête d’une contre-enquête

Quentin Moyon

Charleroi, 1995. « La PJ ne collabore pas, donc on ne peut pas s’embourber dans votre théorie des réseaux » intime l’adjudant-chef à Paul Chartier (le brillant Anthony Barjon), jeune gendarme idéaliste qui se retrouve embarqué dans une enquête, nom de code Maldoror (en écho aux Chants de Maldoror du comte de Lautréamont), qui n’existe pas… du moins officiellement. Mais qui bientôt l'obsède.

Entrecoupé d’images glauques d’une ville sinistrée, le récit nous invite à la rencontre de Paul. Bouille de bébé allergique à l’autorité, c’est armé de son sens de la justice que l’agent Chartier – personnage inspiré de l’adjudant Michaux - a réussi à s’extirper de sa condition, coincé entre un père braqueur et une mère (Béatrice Dalle) qui se prostitue. Face à lui, se dresse la figure de Marcel Dedieu (Sergi Lòpez) double fictif du pédophile Marc Dutroux, dans laquelle le réalisateur Fabrice du Welz semble avoir trouvé son Maldoror : cruel, pervers, maléfique.

Éminemment malaisant, le film débute comme un récit à clé. Maldoror nous donne à voir l’affaire qui marqua au fer rouge la Belgique grâce à un travail de recherche poussé pour coller aux faits, avant de les dépasser. Revendiqué comme « cathartique » par son réalisateur, son 8e long-métrage se fait aussi dénonciateur. Il pointe les dysfonctionnements au sein des divers corps de police mais également la corruption généralisée de l’administration qui aurait mené une enquête bâclée. Un long-métrage qui, en écho au témoignage d’Aimé Bille, gendarme belge écarté de l’enquête, ou à l’ouvrage du journaliste Douglas de Coninck, réouvre l’investigation : et si Marc Dutroux avait fait partie d’un réseau ?

Pour démontrer sa thèse, Fabrice du Welz oscille habilement entre le naturalisme et le thriller survitaminé, habillé d’une bande-son sombre et atmosphérique. Un pas de côté par rapport à son habituel style léché, qui apparaît encore çà et là pour nous rappeler que ce film est aussi le cri du cœur d’un cinéaste, qui porte en lui depuis ses 20 ans, l’horreur de cette période.

Retrouvez l'ensemble des critiques cinés de la semaine sur Surimpressions.

Maldoror

Au milieu des années 90, la gendarmerie belge mène secrètement une opération à trois pour retrouver deux jeunes filles disparues. Un film sinistre autour de la tristement célèbre affaire Dutroux.

À partir du mercredi
Quentin Moyon