L’histoire de Diamant Brut est tirée de votre court-métrage J'attends Jupiter (2017), qui incluait déjà le personnage de Liane et son rêve de participer à tout prix à une émission de télé-réalité. Pourquoi avoir voulu développer cette idée en long-métrage ?
Au moment de faire le court, je savais déjà que je voulais faire un long. J’avais le sentiment que le sujet méritait de prendre plus de temps pour en parler. Les deux objets partagent vraiment la même arène, le sujet de la télé-réalité. Et l’héroïne a effectivement le même prénom. Dans J’attends Jupiter je n’avais pas du tout l’espace pour aborder tout ce que je voulais.
Malgré son immense popularité à la télévision, le cinéma s’empare rarement de la télé-réalité. Qu’est-ce qui vous intéressait dans le sujet ?
La télé-réalité est un sujet qui m’obsède depuis très longtemps, pour toute la violence que cela génère, de la manière dont c’est fabriqué, et toute l’ambivalence dans le fait que ce soit également un moyen de faire sa place dans la société, de “réussir” selon les codes du capitalisme, en utilisant cette hyper-féminité comme une arme. Il y a quelque chose de très paradoxal là-dedans.
Pensez-vous qu’il y a un certain mépris de la part du cinéma par rapport à ce type d’émission ?
Totalement. Déjà je l'ai vu en tant que spectatrice, je sentais qu’on me regardait bizarrement lorsque j’avouais que j’en regardais, d’autant plus que je travaille dans un milieu artistique où ce n’est pas normal. Et même au sein de mon travail d’écriture, c’est un projet que je porte depuis bientôt huit ans et tout au long de la fabrication du court-métrage et du film, j’ai senti qu’on considérait que c’était étrange de vouloir anoblir par le cinéma quelque chose de “débile”. Il y avait un regard tout à fait méprisant là-dessus, car ça n’a rien de “débile” : c’est surtout dangereux.
Votre film dénonce la télé-réalité, les schémas conservateurs qu’elle promeut et la manière dont elle hypersexualise les corps féminins. Dans le même temps, vous ne portez pas un jugement sévère sur votre héroïne, qui vient d’un milieu défavorisé. Comment avez-vous trouvé le bon angle pour aborder cette histoire ?
En dissociant le système qui fabrique la télé-réalité - la directrice de casting par exemple, qui est génératrice de cette violence - et en s’attardant uniquement sur les motivations de Liane à vouloir en faire. En montrant que pour elle, cela fait partie d’un business-plan, d’une vraie manière de s’inscrire professionnellement dans la vie. Mais je voulais aussi montrer que c’est une réponse à un manque d’amour et de reconnaissance. Sa quête est le résultat d’une fragilité et d’une humanité immenses. Je voulais mettre le doigt sur cette fragilité, sur le grain de peau, sur la chair qui souffre, en montrant la réalité d’un corps et pas quelque chose de lisse. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’il y a derrière l’image.