Interview

Edward Berger à propos de "Conclave"

VERTIGO, Steven Tuffin

Les cardinaux ne sont pas des enfants de chœur. Et ils ne sont certainement pas plus saints que le Pape. Lorsqu'ils doivent choisir un nouveau pape, la soif de pouvoir et les manipulations apparaissent au grand jour. Le réalisateur Edward Berger (All Quiet on the Western Front) en a fait un thriller fascinant avec Conclave.

Avec « All Quiet on the Western Front », Edward Berger a décroché pas moins de neuf nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film en 2023. En quittant le Dolby Theatre de Los Angeles avec quatre Oscars de plus, le réalisateur pouvait déjà deviner qu'il ne s'agissait pas d'un « adieu », mais d'un « auf Wiedersehen ». Après tout, (sa potentielle future bête noire / futur projet) avait déjà été mise en boîte.

Dans Conclave, basé sur le best-seller du même nom de Robert Harris, Berger troque les tranchées de la Première Guerre mondiale pour un autre champ de bataille. Suite à la mort du pape, les cardinaux se réunissent à Rome pour élire un nouveau chef. Le cardinal Dean Lawrence (Ralph Fiennes) doit gérer cette élection. Son principal défi semble être le conflit entre les ailes conservatrice et progressiste de l'Église catholique, mais il a bientôt vent d'une conspiration.

Edward Berger : « Ralph et moi avons tout de suite été sur la même longueur d'onde : Conclave devait attirer le spectateur. L'aspect le plus séduisant du film est sans aucun doute l'intrigue, mais le cœur battant est l'évolution psychologique du Cardinal Lawrence : ses pensées, ses sentiments, ses doutes. Je me reconnais là-dedans. Je doute de tout. Je remets constamment mes choix en question.

Vous avez réuni un casting solide, avec des noms prestigieux comme Stanley Tucci, John Lithgow et Isabella Rossellini, en plus de Fiennes. Comment avez-vous réussi à les convaincre tous ?

Heureusement, je n'ai pas eu à le faire. Je le dois à l'excellent scénario de Peter Straughan, le scénariste de Tinker Tailor Soldier Spy. Tous ceux qui l'ont lu ont immédiatement eu le souffle coupé. Une situation tout à fait exceptionnelle ».
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Dans le document d'origine, le personnage principal est un cardinal italien. Dans le film, il est Britannique. Il y a t’il une signification derrière ce choix ?**

Absolument pas. C'est une question de casting. Au départ, je voulais un acteur italien, mais Ralph était tout simplement fait pour le rôle. Je ne voulais pas non plus qu'il joue un Italien. Je déteste qu'un acteur britannique joue un personnage allemand. Je décroche immédiatement lorsque je vois quelque chose de ce genre. Et c'est probablement bien pire de voir un Britannique jouer un Italien. (rires)'

Qu'est-ce qui vous attire dans le milieu des papes et des cardinaux ?

Le mystère. Conclave n'est pas seulement un thriller captivant, il vous emmène aussi dans un monde dont vous ne savez presque rien. Il raconte toutefois une histoire universelle. Il pourrait également se dérouler dans la salle du conseil d'administration d'une multinationale. Il s'agit d'une lutte de pouvoir comme beaucoup d'autres, mais celle-ci se déroule entre tous les hommes en soutane écarlate ».

Conclave a l'air très authentique. Comment avez-vous découvert ce monde secret ?

L'auteur du livre et mon scénariste ont tous deux fait d'excellentes recherches. Cependant, il ne faut pas oublier que Conclave n'est pas un documentaire, mais un film. Certains éléments clés sont corrects, le reste n'est qu'interprétation. Nous avons créé notre propre réalité. C'est la beauté du cinéma : vous pouvez construire la réalité que vous voulez, tant qu'elle semble réelle. Il suffit de regarder Star Wars. La véracité l'emporte sur l'authenticité ».

Nous ne voyons pas les toilettes du pape, mais vous montrez son appartement. Est-ce authentique ?

Habituellement, un pape vit dans le palais papal, mais le pape François ne le fait pas parce qu'il apprécie l'humilité et trouve le palais trop pompeux. Il vit donc dans une modeste chambre de la Casa Santa Marta. Si vous effectuez des recherches sur Google, vous découvrirez que ce bâtiment est incroyablement laid. On dirait un hôtel d'aéroport. Je ne voulais pas tourner un film dans un tel endroit, alors nous avons décidé de construire quelque chose d'épuré et de spartiate, mais qui soit en même temps visuellement intéressant ».

Le conclave se déroule dans la chapelle Sixtine. Comment s'est déroulée la recréation de cet espace légendaire ?

Fantastique. Vous arrivez d'abord dans un studio plutôt qui ne paie pas de mine et vous vous demandez comment vous allez bien pouvoir gérer un tel décor. Mais petit à petit, semaine après semaine, vous voyez tout évoluer et, soudain, vous vous retrouvez vraiment dans cette chapelle.

Les portes occupent une place importante dans Conclave. Cela commence dès le générique de début, et même dans l'ascenseur, on entend plusieurs fois « Portes ouvertes, portes fermées ». Pourquoi cette insistance ?

Pour créer une atmosphère de claustrophobie. Lorsque j'ai lu le scénario, j'ai immédiatement pensé aux thrillers politiques des années 70 : Les Trois Jours du Condor de Sydney Pollack, The Parallax View (A cause d’un assassinat) et Tous les hommes du président d'Alan J. Pakula, ... Tous des films qui vous transportent dans un monde plein de paranoïa. Je voulais évoquer le sentiment que les murs ont des oreilles avec certains choix stylistiques, y compris, donc, ces portes ».

Et aussi parce qu'un conclave, par définition, se déroule à huis clos ?

Exactement. Les portes se ferment à un moment donné et personne n'est autorisé à sortir jusqu'à ce qu'un nouveau pape soit élu. Ensuite, les portes s'ouvrent à nouveau et l'air frais et la lumière du soleil entrent, mais tant que dure le conclave, tout est sombre et lugubre ».

Comment avez-vous accentué ce sentiment de paranoïa ?

Grâce à une suggestion intéressante de l'ingénieur du son. Il a donné l'impression que tout l'air d'une pièce est aspiré lorsque l'on ferme une porte. À ce moment-là, la bande-son devient très silencieuse et un bourdonnement sombre semble planer sur les personnages. Cela crée un sentiment presque plombant.

Enfin, vous aviez déjà terminé Conclave alors qu'All Quiet on the Western Front n'était pas encore sorti en salles. Votre prochain film est-il déjà prêt ?
En tout cas, le tournage est déjà terminé. Dans le paradis chinois du jeu qu'est Macao, j'ai tourné The Ballad of a Small Player avec Colin Farrell et Tilda Swinton, d'après un roman de Lawrence Osborne paru en 2014. Il s'agit de l'histoire d'un accro au jeu qui a détourné de l'argent en Angleterre, après quoi il s'enfuit à Macao pour se construire une nouvelle vie sous une fausse identité. Et c'est alors qu'il joue son avenir. Ce tournage a été extrêmement intense, car Macao est une ville épuisante. Tout tourne autour de l'argent et du matérialisme. Vous n'y trouverez rien de valable. Heureusement, le film ne parle que de cela. (rires)'

Conclave est à retrouver dès mercredi 11 décembre dans vos salles préférées avec votre pass Cineville.

VERTIGO, Steven Tuffin

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