Le duo s’est rencontré en 2016 sur le tournage de la troisième saison de Peaky Blinders. Le courant est immédiatement passé. Leur bonne entente s’est transformée en une amitié solide, au point qu’ils semblent désormais inséparables. La preuve ? Après Small Things Like These, ils ont tourné un autre film ensemble, une tragi-comédie sociale intitulée Steve.
Mais pour l’instant, c’est ce drame tout en retenue, adapté de la nouvelle éponyme de Claire Keegan, qui occupe le devant de la scène (l’an dernier, un autre roman de l’autrice avait déjà inspiré le film The Quiet Girl). Murphy y incarne Bill, un marchand de charbon taciturne dans une petite ville du sud de l’Irlande, au milieu des années 1980. Lorsqu’il découvre ce qui se passe réellement dans un couvent accueillant des adolescentes enceintes, il est rongé par sa conscience. La question est de savoir s’il osera s’opposer à une institution aussi puissante que l’Église catholique.
Tim Mielants : Bill risque non seulement de mettre en péril son commerce s’il intervient, mais aussi l’éducation et l’avenir de ses filles. « Si tu veux avancer dans la vie, il faut parfois fermer les yeux sur certaines choses », dit sa femme Eileen. C’est une réflexion très compréhensible, je pense. Elle sait tout ce qu’il met en jeu. J’avais déjà abordé ce genre de dilemme dans Wil : qu’êtes-vous prêt à sacrifier ? Eileen représente un raisonnement qui justifie logiquement de ne rien faire. Mais on sent qu’elle lutte aussi avec ça. Nous avons choisi de nous éloigner un peu du texte original, où l’histoire parlait de la fin d’une relation.
Bill est un homme très introverti et silencieux. N’aviez-vous pas peur que le public ait du mal à le comprendre ?
Il faut replacer ça dans son contexte. C’était comme ça en Irlande à l’époque, en partie à cause de l’Église : les hommes ne parlaient pas de leurs émotions. Si tu es triste, garde-le pour toi. En plus, Bill porte le poids du décès de sa mère, qu’il n’a jamais pu exprimer, alors qu’il est naturellement un homme sensible. "Small Things Like These" peut sembler être un film calme, mais pour Cillian et moi, c’est tout le contraire : Bill est une sorte de volcan prêt à exploser à tout moment.
Cillian Murphy est fantastique dans ce rôle. Qu’est-ce qui le rend si spécial ?
Il est tout simplement incroyablement talentueux. Je ne peux pas le décrire autrement. Il a une capacité unique à transmettre des pensées de manière honnête. C’était un plaisir de collaborer avec lui pour donner vie à ces réflexions. Small Things Like These est centré sur ce que pense cet homme à chaque instant. Dans "Steve", le film que nous avons fait après, on joue beaucoup plus avec la forme. C’est un style plus burlesque, et Cillian adopte ce ton dans son jeu : il est plus grandiloquent et chaotique, mais toujours maître de son art.
Ces dernières années, il est passé de comédien acclamé à star mondiale. Son Oscar pour Oppenheimer ne fera qu’amplifier sa popularité. Comment gère-t-il cela ?
La célébrité ne l’intéresse absolument pas. Il joue parce qu’il aime son métier. Il travaille avec moi parce que tout ce cirque ne l’attire pas. On se fait confiance, on s’entend bien, et on se stimule mutuellement sur le plan créatif.
C’est aussi la première fois qu’il produit un film avec sa société Big Things Films. Comment décririez-vous son rôle de producteur ?
Il était très à l’écoute, suivait mes idées et donnait toujours des retours constructifs. Il a aussi participé au processus de casting, jouant dans toutes les auditions. Cela m’a permis de tester son personnage en même temps. J’ai adoré qu’il fasse cela. Il a également proposé de nombreuses idées, comme celle de choisir Emily Watson pour le rôle de la Mère Supérieure. Dieu merci, elle a accepté. Pendant le montage, il a su identifier ce qui ne fonctionnait pas et proposer des solutions. En résumé, Cillian est un véritable cinéaste polyvalent.
Small Things Like These est en salle depuis le 20 novembre.