Critiques

Kouté Vwa: Un film sensible et inclassable

Raïssa Alingabo Yowali M'Bilo

Avec Kouté Vwa, son premier long-métrage, le cinéaste Maxime Jean-Baptiste nous emmène au cœur de la Guyane. Un pays dont il ne se contente pas de nous faire découvrir les splendides paysages, qui tranchent avec le béton urbain des banlieues, mais qu’il nous fait ressentir en profondeur. Ce territoire devient, au travers de son regard, un espace poétique où la musique honore les morts et la colère cohabite avec la résilience.

Le magnifique travail d’image et de photographie d’Arthur Lauters joue un rôle important, capturant les textures, les couleurs, les atmosphères. De Kouté Vwa, on garde surtout une sensation : c’est un film si riche, qui aborde tant de sujets, qu’il est difficile de le résumer. Il semble inclassable, relevant presque d’un genre nouveau bien que très proche du documentaire. La force qui s’en dégage tient d’une colère quasiment pudique contre une mort insoutenable, celle de Lucas, lâchement assassiné au cours d’une rixe de quartier.

Filmé à hauteur d’adolescent, Kouté Vwa accompagne Melrick, 13 ans et déjà révolté, depuis la métropole, jusque chez sa grand-mère, outre-Atlantique. Là, il s’interroge sur ce cousin brutalement disparu, dont l’absence marque encore profondément l’entourage. On croise un à un ceux qui l’ont connu. Les murs aussi lui rendent hommage.

Qui était Lucas ? Comment pardonner ? Comment coexister avec les meurtriers d’un être cher ? Comment soutenir l’injustice quand elle nous entoure ? En nous offrant un portrait familial intime et celui d’une Guyane aussi vraie que romanesque, le jeune cinéaste parvient à saisir avec beaucoup de justesse toutes les complexités de la reconstruction. À travers son regard si singulier et de façon extrêmement touchante, il nous donne également accès à des masculinités en devenir et à celles qui vacillent. Tout en nous parlant de violences, des systèmes qui les engendrent et les nourrissent, Kouté Vwa vibre de tendresse.

Raïssa Alingabo Yowali M'Bilo