La ruralité, la passion homoérotique, les personnages bien campés, le plaisir du dialogue, autant d’éléments constitutifs du cinéma d’Alain Guiraudie que l’on retrouve dans ce septième long-métrage du réalisateur français. Le titre du film annonce une thématique nouvelle qui vient s’y ajouter : la question du péché et de la culpabilité qui en découle. Miséricorde s’apprécie ainsi comme une version moderne et queer de Crime et châtiment, une bonne dose d’humour en prime.
On y suit le retour de Jérémie (Félix Kysyl) dans un petit village reculé de l’Aveyron, où il séjourne chez Martine (Catherine Frot) qui vient de perdre son mari. Le synopsis est laconique, et pour cause. Comme à son habitude, Guiraudie se montre avare en informations narratives. Les motivations et le passé des personnages ne se discernent qu’au fur et à mesure du récit, par petites touches qui ne dissipent jamais totalement l’opacité ambiante. Ainsi, l’irruption de la violence qui fait basculer le récit n’est pas justifiée – elle semble mue par des forces antérieures.
L’œuvre du réalisateur est en effet traversée par l’idée que des forces primitives commandent aux actions humaines. Parmi celles-ci, il y a le désir - thème éminemment guiraudien, s’il en est. Les films du cinéaste français sont gorgés des désirs que les personnages éprouvent l’un pour l’autre, au point qu’aucune interaction sociale ne semble y échapper. Et Miséricorde ne fait pas exception : Jérémie, le protagoniste, est à la confluence d’un réseau de désirs dans lequel tous les personnages sont impliqués – même le curé. Dans ce village coupé du monde, à la fois abstrait et tangible, se déploie dès lors une comédie amorale et grinçante, questionnant les pulsions du corps et les limites de la culpabilité.
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