Avec Nouvelle Vague, Richard Linklater nous propose un faux mais habile making-of du premier film de Jean-Luc Godard.
Dans Nouvelle Vague, présenté à Cannes en 2025, le réalisateur texan Richard Linklater, cinéphile invétéré et expérimentateur affirmé (Boyhood, la trilogie des Before) jette un regard amoureux sur le tournage du À bout de souffle de Godard.
En collaboration avec le chef opérateur David Chambille, il retranscrit élégamment, avec un format 4/3 et un noir et blanc granuleux, l’atmosphère joyeuse, innovante et bravache de l’industrie cinématographique d’alors, à laquelle les “Jeunes Turcs” des Cahiers du Cinéma ont participé. Il exprime aussi pleinement la créativité sans limite que Jean-Luc Godard a su insuffler dans son cinéma quitte à faire hyperventiler ses comparses. Un producteur à bout de souffle, perdu face à un réalisateur qui n’en fait qu’à sa tête : Georges de Beauregard (Bruno Dreyfürst). Une actrice à bout de souffle qui, bien loin de ses expériences avec le tyrannique Otto Preminger, se trouve perdue face aux consignes floues de Jean-Luc “t’as qu’à” Godard : Jean Seberg (Zoey Deutch). Un chef opérateur à bout de souffle devant l’innovant “retour en arrière” technique que lui propose Godard pour alléger le matériel de tournage : Raoul Coutard (Matthieu Penchinat).
Pour interpréter sa nouvelle vague, le réalisateur américain mise aussi sur une nouvelle vague d’acteurs français brillants : un François Truffaut grisé par le récent succès des 400 coups, élégamment campé par Adrien Rouyard, un Jean-Paul Belmondo gouailleur et séducteur interprété par Aubry Dullin. Et bien évidemment un Jean-Luc Godard malicieux, duquel s’est parfaitement emparé Guillaume Marbeck, des lunettes fumées au déroutant phrasé.
Loin d’une vague scélérate, ce film, pensé pour s’adresser au public le plus large, nous brosse dans le sens du poil, faisant revivre en nous nos émois cinéphiles sans s’y limiter. Tendrement chaotique, doucement pédagogique en balisant nos rencontres avec de nouveaux personnages par un encart, il vise à rendre accessible un cinéma qui se voit parfois cantonné aux cercles pointus. En résulte une œuvre enthousiaste, dont on ressort avec une seule idée en tête : revoir À bout de souffle !