Critiques

Un Simple accident : Une palme d'or de résistance

Katia Peignois

Premier long-métrage réalisé par Jafar Panahi depuis son emprisonnement pour propagande contre le régime iranien, Un simple accident sonne comme un cri de colère adressé à la République islamique dans lequel le cinéaste questionne la justice, la moralité et la frontière entre bourreaux et victimes. En lui décernant la Palme d’or, le jury cannois a choisi de célébrer un acte de résistance artistique au milieu du chaos contemporain.

Un soir, Eghbal (Ebrahim Azizi), un père de famille, écrase un chien par accident au volant de sa voiture. Lorsqu'il s'arrête dans un garage afin de dépanner son véhicule, Vahid (Vahid Mobasseri), l'un des mécaniciens, l’entend boiter et pense reconnaître le son de la prothèse du tortionnaire qui l’a brutalisé en prison des années auparavant. Dès le lendemain, Vahid suit et assomme Eghbal pour l’enterrer vivant, mais le doute sur l’identité de son otage prend le dessus. Vahid se lance alors dans une quête de réparation infernale, quoique teintée de burlesque.

Filmé dans la clandestinité avec une économie de moyens, Un simple accident tire de ses contraintes une épure au trouble lancinant. Puissance du cadrage, force évocatrice du hors champ (notamment sonore et de la parole), gestion de l'espace en huis clos (la boîte du van comme tombeau) et codes théâtraux rocambolesques sont convoqués pour dépeindre une époque traumatisée par le totalitarisme et gangrenée par la corruption. Cette dernière s'incarne dans des scènes où le tragique côtoie l’absurde, preuves d'un mal si profondément installé au cœur de la société qu'il en devient dramatiquement grotesque.

Scénariste et dialoguiste toujours aussi affûté, Jafar Panahi déroule implacablement un récit qui pose un dilemme moral basique (faut-il pardonner pour avancer malgré les séquelles ou se venger au prix de son intégrité ?) et interroge le cycle immuable de la violence sans édicter de réponse unidimensionnelle. À ce titre, la fin, terrifiante de suggestion, distille un effroi qui évite toute démonstration didactique.

It Was Just an Accident (Un simple accident)

En Iran, un homme croit reconnaître son ancien tortionnaire et décide de se venger.

Katia Peignois

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