Cela commence par le coup d'éclat d'un groupe d'activistes baptisés "The French 75", venus libérer les détenus d'un camp de migrants à la frontière américano-mexicaine, avec à la manette Perfidia Beverly Hills (Teyana Taylor, idéalement badass) et à la pyrotechnie Bob "Rocket Man" Ferguson (Leonardo Di Caprio, sidérant). Ces deux-là ne tardent pas à devenir plus que des compagnons d'armes, une fillette naissant de leurs amours. Seize ans plus tard, les révolutionnaires ont été dispersés et Perfidia a disparu, Bob menant désormais une existence planquée et embrumée, booze et joint de rigueur sur robe de chambre défraîchie à la Lebowski, tout en tentant de veiller sur sa fille, Willa (Chase Infiniti, formidable révélation). Moment où refait surface le colonel Lockjaw (Sean Penn, bardé de maniérismes flippants), bien décidé à laver l'affront d'alors et à régler quelques affaires personnelles...
Dix ans après Inherent Vice, Paul Thomas Anderson repique à l'oeuvre de Thomas Pynchon pour One Battle After Another, nouvel opus librement adapté de Vineland. Alors que le roman était situé pendant les années Reagan, le réalisateur en déplace l'action à l'époque contemporaine, traçant un portrait affolant mais aussi férocement drôle de l'Amérique trumpiste, des rafles policières faisant écho aux agissements de l'ICE aux aspirations grotesques d'un groupuscule de suprémacistes blancs en quête de pureté, et l'on en passe... La critique est virulente, PTA évite toutefois une approche par trop littérale, relevant son propos d'une solide dose d'humour grinçant, tout en veillant à laisser la fiction s'épanouir librement au son de la musique de Jonny Greenwood. One Battle After Another adopte dès lors une forme aussi hybride qu'audacieuse, le film d'action violent se doublant d'un thriller politique avant de muer en un drame intime se cristallisant autour d'une relation père-fille compliquée mais riche de promesses... Une bataille après l'autre en effet, perspective que Paul Thomas Anderson embrasse avec une stupéfiante virtuosité. Pour signer un film hors-normes qui ajoute à la densité du propos un irrésistible plaisir de cinéma culminant dans une course poursuite sur un ruban de bitume gondolant dans le désert, l'éblouissement en ligne de mire... Brillant.
